LISTEN ▬ « J'ai tout ce qu'il me faut... » Un dernier coup d’œil derrière elle, son sac à dos hisser sur une épaule, la jeune fille n'entend aucun bruit à l'intérieur de l'appartement. Son frère et sa sœur dormaient à point fermé à force d'avoir un peu trop jouer jusqu'à pas d'heure la veille et elle n'avait pas le cœur de les réveiller ; ils étaient tous les deux inquiets, tous les deux apeurés ((Cho-Hee les voyaient parfois pleurés durant leur sommeil ; sans doute torturés par le passé.)) Soupirant légèrement malgré son sourire sur le visage, la jeune fille ouvre la porte d'entrée avec lenteur et douceur, refermant derrière elle avec encore plus de délicatesse qu'à l'accoutumer. Son casque audio est vissé sur ses oreilles et c'est un lecteur cassette assez vintage qui appartenait à sa mère qu'elle dégaine ; tout un tas de ces bandes trônaient dans les poches de sa veste cyan un peu trop large ((jusqu'au bout de sa personne, Cho-Hee serait colorée.)) C'est en choisissant au hasard une cassette et en appuyant sur play que la musique se lance ; ses yeux s'écarquillent légèrement ; se demandant bien sur quoi elle était tombée. Haussement d'épaules léger, la jeune fille commence sa promenade hebdomadaire, munis de ses bombes de peintures qu'elle secoue avec nonchalance, mais avec un brin d'élégance.

Cho-Hee qui tague, ce n'est pas la première fois, c'est devenu un rituel ; et ses dessins contiennent plein de message ((mais le principal reste un "SOS".)) Avançant en secouant la tête au rythme de la musique, la demoiselle laisse disparaître son éternel sourire, ne l'affiche plus le temps de cette marche décadente au travers de la banlieue déserte. Son cœur se serre dès lors qu'elle met son masque blanc chirurgical devant son nez et sa bouche histoire de ne pas respirer de vapeur de peinture pendant qu'elle continue une de ces précédentes oeuvre... Sa bombe de peinture jaune dégainée, elle continue de mettre un peu de vie sur ce tableau un peu trop terne pour lui appartenir, concentrant son attention sur les détails manquants. C'est une ribambelle de silhouettes toutes différentes les unes des autres que Cho-Hee à peinte, qu'elle a détaillée, qu'elle a assemblée. Les adultes ne sont plus là et les enfants sont tous perdus dans une marrée d'incompréhension totale. C'est ce que ce mur représente ; le désarroi et une teinte d'espoir.

Terminant son énième tag, la jeune fille continue sa marche, son masque chirurgical plein de peinture tout comme quelques mèches de ses cheveux ((sa coloration rose pastel était désormais tâché de bleu ciel et de jaune poussin.)) Démarche nonchalante et soupir fugace, Cho-Hee ne sait pas trop où elle va, elle se perd dans les tréfonds de son imaginaire et de sa musique un poil trop énergique pour son humeur quelque peu maussade ((ce n'est pas "elle", ce n'est pas ce qu'elle veut être.)) C'est sans s'en rendre compte que la demoiselle finit devant le pont qui relis la cité d'Ys et la banlieue. Son regard se perdant entre la frontière de son monde et celui d'un univers qu'elle ne souhaite pas vraiment connaître. Ses yeux s'attardent sur des détails sur le sol, des lettres dessinés fraîchement ; elle en est certaine. Ses doigts s'y attardent doucement et c'est avec une nouvelle bombe de peinture blanche dégainée de son sac un peu trop lourd qu'elle repasse par-dessus. La craie s'efface ; la peinture demeure ((au moins pour un temps plus long.)) C'est après avoir accomplis cette tâche un peu fortuite que Cho-Hee dégaina son appareil photo, capturant l'instant présent, de ce sol remarquablement défiguré, pour ensuite prendre quelques photos des nuages et du ciel bleu pour immortaliser cette journée.

Mais quelque chose interpelle son attention, les voitures vides laissés sur la route, certaines ouvertes, d'autres fermées... C'est en vagabondant auprès des carcasses vides qu'elle tombe sur toi ; encore une fois, un hasard. Son masque toujours sur le visage, elle ne peut s'empêcher de t'interpeller. « Tu fais de la récupération dans les voitures maintenant ? » Sa voix est enjouée, mais son visage est dissimulé ; sourit-elle ou non ? Là est toute la question. Son regard furette un peu partout, à la recherche d'autres silhouettes égarées.