J’avais la tête dans le dépotoir sous mon lit. Mes mains, telles de véritables inquisitrices, farfouillaent entre vêtements et jouets abandonnés à la recherche de l’objet de tous mes désirs. De quoi il s’agissait ? D’un simple balladeur mp3. C’est sûr, c’est pas ce qu’il y a de plus récent pour écouter de la musique, mais c’est tout ce qu’il me reste. Maintenant que les applications comme deezer ou que la radio ne fonctionne plus, il fallait se rattraper aux bons vieux CDs et aux quelques chansons qu’on avait pu télécharger avant l’événement. En y réfléchissant, il y a toujours les rayons CD dans les magasins, où on doit pouvoir récupérer quelques trucs chouettes. Ce n’était pas une mauvaise idée, suffisamment pour que je m’arrête dans mes recherches l’espace d’une seconde, mais la raison me rattrape. Je ne suis pas une pilleuse, pas encore. Comme pour m’indiquer que j’avais choisis la bonne voie, je sentis du bout du bout des doigts un objet fin et métallique.
- Te voilà, viens par-là.
Avec un sourire de victoire, je glissais deux doigts autour de sa coque et l’attirais lentement jusqu’à moi. D’un geste, je me redressais en le levant à ma hauteur, sur mon lit attendaient mes écouteurs, impatient de revenir chatouiller mes petites oreilles. Eux par contre, ne m’ont pas manqué. Je les branchais au mp3 et commençais à parcourir son contenu. A l’intérieur, c’est plein de vieux morceaux, ceux que me faisait écouter papa. C’est en grande partie lui qui m’a transmis mes goûts en matière de musique. Je le retrouvais en chacun des groupes et artistes du baladeur, certains me plaisant plus que d’autres. Mes goûts se sont affinés et mes oreilles ont besoin d’un temps d’adaptation avec toutes ces sonorités qui semblent resurgir de mon passé. Je trouvais finalement mon bonheur. Nickelback – This Afternoon. Assez ironiquement, on était en plein après-midi.
Je m’approchais de la fenêtre, laissant la musique s’écouler en moi. Je suis mue d’une toute autre vision par la musique. L’extérieur me paraissait si froid jusqu’à maintenant, là j’ai l’impression de voir les rires des enfants qui parcourent les rues, de sentir leur joie. Je m’immergeais dans ce sentiment de bonheur, oubliant le chaos qui pouvait se produire un peu plus loin. Mes yeux se fixaient sur le bleu du ciel. Peu de nuages le traversent aujourd’hui et cela fait un moment que je n’ai pas vu d’avion le traverser non plus. Je restais collée à ma fenêtre encore quelques instants, puis me retournais avec un bond.
- GET UP AND GO OUT ! Chantais-je en faisant corps avec le refrain du morceau.
Balançant la tête de gauche à droite au rythme de la musique et dansant, je rejoignais le salon. D’un coup de pied, j’envoyais valser avec moi une bouteille d’eau vide qui trainait sur le tapis. Plus rien ne semble exister, je suis seule, totalement seule et heureuse. La chanson se calme un peu et je me laisse tomber dans le canapé, répétant les paroles des chœurs en boucle. Ma voix s’éteint peu à peu avec la musique, je cherche alors le regard de Twinky, le cactus de mon père.
- La vie est tellement meilleure en musique, un point pour toi.
Je n’aime pas Twinky. Il a toujours raison et il pique. Et ce n’est pas la personne la plus expressive qui soit. J’attrapais une canette, vide aussi, et la lui lançais à la figure. Le pauvre tomba immédiatement à la renverse, dans l’incapacité de se relever.
- Ça fait un partout. DING DONG. Egalité, l’heure du glas a sonné.
Je me relevais aussi vite que je m’étais allongée et m’approchais de la porte, doucement. La dernière fois qu’on avait sonné à ma porte, j’avais dû chercher Adrien dans la cité d’Ys, j’espérais ne pas avoir à retourner lui sauver les miches. Un manche à balai trainait près de la porte. Avec la violence grandissante, je me tenais prête à tout et avais disposé quelques moyens de défense dans l’appartement. Toutefois, que l’individu ait sonné, diminuait ma méfiance. Les pilleurs n’étaient pas du genre à toquer avant d’entrer. Ils fracassaient, puis entraient, c’était plus efficace. J’entrebâillais la porte, histoire de voir d’un œil mon visiteur, et finissais par l’ouvrir complètement en reconnaissant ma voisine.
Les questions se bousculent dans ma tête. Je suis ravie d’apprendre déjà qu’elle n’a pas d’ennui. Je l’avais déjà vue plusieurs fois, elle ne m’était jamais apparue très robuste et maintenant, la voyant en face de moi, mon opinion ne bougeait pas. En fait, je pensais qu’elle serait venue pour que je l’aide à se sortir d’une merde, mais elle semble avoir une toute autre raison d’être là. Mes yeux verts la fixent, perdus, cherchant des réponses à mes interrogations. En la détaillant bien, je n’arrive qu’à percevoir qu’elle est en forme, bien que stressée.
- Je suis Raven, mais je suppose que tu le sais déjà. Entre, on sera mieux pour parler.
Je me pousse de l’entrée pour la laisser passer. L’intérieur est légèrement en désordre, le rangement n’est pas mon fort, mais je suppose qu’elle a vu pire ces derniers jours. L’important, c’est qu’on sera mieux installées sur mon canapé pour discuter, que sur un palier de porte. Je referme derrière elle et verrouille pour éviter les visites surprises.
- Fais comme chez toi, tu peux t’asseoir dans le canapé et il y a des sodas dans le frigo de la cuisine.
Je la laisse faire à son aise et ne l’attends pas pour en prendre un. Une fois la canette ouverte, je m’enfile deux-trois gorgées et m’appuie dans l’entrebâillement de la porte de la cuisine vers le salon.
- Alors, quel est ce projet ? Mon regard se fixe une nouvelle fois sur elle.