Ce fut au sein d’un foyer uni et amoureux que naquit la petite Anthémis. Premier enfant d’un couple de hippie, elle fut choyée et adorée. Bien que ses souvenirs de cette période soit bien flous, parfois en fermant les yeux, la petite fleur sentait encore les douces étreintes de son père. La disparition de celui-ci laissa l’enfant assez indifférente au final, car le manque affectif qu’il aurait pu laisser en partant fut combler par la naissance de ses deux sœurs cadettes – Arméria et Anémone. Les trois sœurs avaient des prénoms singuliers, mais que pouvait-on attendre d’autre d’une femme fleuriste toujours bloquée dans les années New Age ?

Très vite, Anthémis se sentit investi d’un rôle important au sein de la famille – elle devait soutenir sa chère maman, seule avec trois petites choses, chacune démoniaque à leur façon. Alors, l’aînée dictait les attitudes que les plus jeunes devaient adopter, se montrant adorablement stricte (comment obéir à une enfant de 5ans autoritaire, peinant à prononcer certains mots compliqués?) En tout cas, Témy s’amusait de ce rôle, jouant de son statut de grande sœur pour réprimander ses cadettes. Leur mère laissait faire, trop amusée par ce comportement, et occupée à offrir un bon niveau de vie à ses trésors.

Comme tout enfant, la petite rousse passait le plus clair de son temps à jouer : alors que Arméria combattait des créatures imaginaires et qu’Anémone tenait un salon de thé avec pour invités ses peluches, elle coloriait. Et ce, très mal. Lorsque leur mère passait un coup de balai dans la chambre des filles, elle ne comptait plus le nombre de dessins réduits en boule, jonchant le sol près de la poubelle. Anthémis était bien trop exigeante avec elle-même, se sentant constamment obligée d’exceller dans tout ce qu’elle entreprenait. Aussi, elle lâcha donc le coloriage et le dessin, au profit de la critique et du chant – bien que n’étant pas en mesure de dessiner un mouton, elle avait la critique facile et savait déjà se montrer acerbe. Le chant quant à lui s’imposa plus naturellement, d’abord de façon amateur, jusqu’à ce que sa maman l’inscrive à des cours afin de se perfectionner.

A l’école, Anthémis était très douée, faisant sans conteste parti des meilleurs éléments dans ses classes. En même temps, l’enfant adorait apprendre, trouvant fascinantes les merveilles du monde, l’évolution de celui-ci, de même que les créations qui le jalonnent. Très assidue dans son travail, elle a toujours voulu rendre sa maman fière et surtout, montrer l’exemple pour ses petites sœurs. Sans doute avait-elle placé la barre trop haut pour ses cadettes, mais elle aimait se voir en inspiratrice. En revanche, la gamine n’avait que peu d’amis – on la prenait pour une horrible rabat-joie, moquant son zèle et critiquant ce qu’elle considérait comme ses talents. Si vous le lui demandez, elle dira qu’elle n’a pas besoin d’amis, ses sœurs jouant parfaitement ce rôle, mais au fond d’elle, ne pas être accepté sonne comme un échec.

Témy s’était rendu utile, voire même indispensable, dans la famille. Même si Arméria savait très bien s’occuper d’elle-même, c’était auprès de la plus jeune de la fratrie que l’aînée faisait de son mieux. Se montrant le plus supportive possible, elle adorait encourager Anémone afin de de l’aider à se dépasser, à se montrer plus avenante et téméraire. Ce n’était pas une mince affaire, mais rien ne pouvait rendre plus fière la fillette que de voir ses efforts payer au profit de ses sœurs.
En dépit des querelles parfaitement légitimes qui éclataient entre les trois gamines, Anthémis aimait ses sœurs plus que tout : elles étaient une partie d’elle, ses amies, sa famille, son tout. Parfois ses mots pouvaient dépasser sa pensée, mais au fond ce n’était que de l’amour qu’elle ressentait. En tout cas, les Roseberry formaient une bien belle famille, unis envers et contre tout, prêt à surmonter tous les obstacles.


La Floride ou l’île d’Ys, cela importait peu. Ce fut avec un petit pincement au cœur qu’Anthémis empaqueta ses jouets dans un carton, quittant cette chambre qui l’avait vu grandir : mais parfois, le changement a du bon. Maman disait que la où elles allaient elles seraient mieux, que la communauté, étant bien plus petite que sur le continent, leur permettraient de se faire de nouveaux amis (voire des amis tout court). Mais au fond d’elle, Témy devinait que ce déménagement était surtout pour sa mère, ce qui était totalement compréhensible. Après tout, elle avait trouvé un meilleur emploi, et la petite n’ignorait pas qu’une maison en Floride n’était pas à la portée de tous les budgets. En plus, cette maison devait lui rappeler ce père absent pour ses enfants, et l’empêchait clairement de tourner la page et de grandir … et de peut-être retrouver un autre homme ?

Témy ne voulait que le bonheur et l’épanouissement de sa maman, peu importe la taille de la maison ou la localisation de celle-ci.

Arrivée à Ys, ce fut le désenchantement. L’aînée n’avait rien contre le déménagement, mais pour une MAISON, non un appartement bien trop petit pour 4, et en banlieue de surcroît. La petite Témy était un peu une princesse, adorant les belles choses et un minimum de standing. Cet appartement, pas miteux pour autant, n’avait rien de très charmant ou plaisant à ses yeux. Et puis, si les habitants sont aussi « charmants et accueillants » qu’était leur nouveau lieu de vie, Anthémis préférait ne pas se mêler à eux, ni les connaître.


Tristement, Anthémis ne vit pas une grande différence. Vivant seule avec sa mère et ses deux soeurs, les besoins des plus jeunes passaient souvent avant les siens auprès de l'adulte. Cela faisait un moment que leur maman comptait sur l'ainée pour prendre soin d'Arméria et d'Anémone.

Lorsque l'événement eu lieu, la rouquine n'eut qu'une pensée en tête: s'enquérir de l'état de ses sœurs. Trop d'abnégation dans cette gamine, qui ne prit le temps de comprendre l'étendu de l’Événement que bien tard. Ce n'est qu'au bout de quelques jours qu'elle comprit ce qu'était le manque. Le véritable manque, d'un parent qui a sans cesse était présent, qui s'est battu d'arrache-pied pour offrir la plus belle des vies possibles à sa progéniture. Qu'était donc devenu cette femme fabuleuse qu'est sa chère et douce maman ?

Son rôle était d'autant plus évident maintenant - pour toujours protéger ses sœurs et leur apporter le soutien nécessaire. Mais... qui ferait cela pour elle ?