Le Passé
Betsy ne possède aucun défaut. Betsy se tient droite, Betsy est indépendante, calme et réfléchie. Betsy ment aussi bien les adultes sur lesquels elle s’appuie. Et elle ne se souvient pas où cela a commencé ce petit jeu, ce simple cache-cache ou elle y perd sa propre personne. Car c’est ainsi qu’on l’a élevé.
Appartement si bien tenu, le plastique rose et le carrelage froid de la cuisine, les diplômes de sa mère, l’amour de ses parents et le semblant de jardin qu’on leur jalouse tant… On lui apprend le violon, on la nomme reine et on l’éduque en tant que telle. Besty ne se pose pas plus de questions : on ne lui a jamais donné d’attention que lorsqu’elle écoutait les ordres, que lorsqu’elle était sage. Et elle l’a toujours été : bonnes notes, bonnes fréquentations. Elle ment. Elle joue sa vie sur un échiquier et rien ne saurait lui échapper. Elle déteste ses amies, elle propage quelques rumeurs et déjà personne ne saurait dire à quel point elle est si cruelle. Besty était parfaite.
La routine a fini par se briser. Betsy était parfaite. Ou bien elle aime le penser. Il ne reste rien à part quelques souvenirs du passé.
La Cité d'Ys
Elle se souvient juste d’avoir eu le temps de déposer son archet. Elle se souvient n’avoir pu jouer une seule note. Elle vient de la cité Besty. Elle venait d’ailleurs, Besty. Mais cela n’a plus aucune importance, depuis qu’elle a mit les pieds ici, son passé a disparu. Le monde a disparu.
L'Évènement
Tristesse, rage, tristesse puis de nouveau rage.
Tristesse, ils l’abandonnent, il la laisse seule, si seule. Et elle a peur, elle s’affole. Elle dévale les escaliers, elle parcourt l’immeuble et il n’y a personne. Elle court, elle pourrait s’envoler, douce carcasse d’enfant qui ne saurait se laisser mourir. Elle trébuche. Elle se rappelle encore de la douleur, du bitume encore chaud laissant ses traces sur son corps.
Rage, ils l’abandonnent. Ils l’abandonnent et elle a si peur que son corps en tremble encore. Elle l’a sans doute compris de suite, comme si un parfum avait embaumé ses sens. Ils osent l’abandonner après tout ses efforts pour paraître si parfaite. Après tout ses efforts… Betsy reprend doucement vie. Besty ne doit jamais montrer cette peur là qui l’habite. Ils ne sauront jamais le mal qu’ils lui ont fait. Ils ne sauront jamais la peur qui lui ronge les os, arrache son cœur pour mieux faire naitre sa colère.
Elle survivra.
Ils ne sauront jamais.