Ari est originaire d'Angleterre. Les huit premières années de sa vie, la fillette fut la plus heureuse du monde. Elle avait tout ce qu'elle désirait, chouchoutée par des parents aimants et attentionnés, habitant dans une maison douillette avec un vaste jardin pour jouer et pleins d'endroits où se cacher. Elle adorait l'ambiance intimiste et conviviale de son quartier et son école, était la leadeuse d'une petite bande d'enfants avec qui elle faisait les quatre cents coups. Mais un beau jour, ses parents lui annoncèrent qu'ils allaient déménager. Son père avait obtenu un poste prestigieux à Ys, la ville de toutes les promesses, et ils semblaient tous les deux très enthousiasmés par cette promotion. Ari l'était beaucoup moins. Ils avaient beau lui répéter que c'était pour son bien, qu'elle allait étudier dans les meilleures écoles et se faire pleins de nouveaux copains, tout ce qu'elle voyait c'était qu'on la forçait à quitter ses amis et le foyer où elle avait grandit.


« Tu verras, tu vas adorer Ys ! » disaient-ils. Ils se trompaient tellement. Ari déteste Ys de toute son âme. Elle s'en fiche de vivre dans un quartier huppé, d'avoir une plus grande chambre et plus de jouets. La cité représente à ses yeux tout ce qu'elle a perdu. Depuis qu'ils s'y sont installés, ses parents sont de moins en moins présents pour elle. Sa nouvelle école est beaucoup plus stricte que la précédente et bien qu'elle n'a eu aucun mal à s'en faire des nouveaux, elle regrette ses anciens amis. Deux ans plus tard, son ancienne vie lui manque toujours terriblement.


Confusion, peur, panique. Des larmes, beaucoup de larmes. Elle pensa d'abord que ses parents l'avaient abandonnée. En avaient-il eu assez de ses scènes de caprices, ses crises de nerfs et de larmes à répétition ? Elle se sentit coupable de leur en vouloir autant, de leur avoir mené la vie dure ces deux dernières années, d'avoir tout fait pour leur faire comprendre qu'elle détestait la ville et les détestait par extension. C'est seulement après leur disparition qu'elle prit conscience qu'elle ne les détestait pas du tout. Ils lui manquaient même plus que tout, plus que l'Angleterre, plus que son quartier natal, plus que la maison et son grand jardin, plus que ses amis et son école d'avant. Elle se promit qu'à leur retour, elle deviendrait l'enfant le plus sage au monde pour leur prouver à quel point elle les aimait. Je ferai mes devoirs, je rangerai ma chambre, je ramènerai de bonnes notes, je serai polie et gentille, mais par pitié, rentrez à la maison !