Une ambiance pesante dans un appartement situé au sixième étage, sans ascenseur, qui tombe un peu en ruine. Le parquet craque à chaque pas que la famille Park fait, les voisins du dessous n'en pouvant plus de cette cacophonie cauchemardesque qui se déroule matin et soir depuis la mort de la figure maternelle. Une famille nombreuse ? Non. Cho-Hee n'est entourée que d'un père célibataire, de son petit frère et de sa petite sœur ; le premier âgé de onze ans et l'autre de huit ans.

Une mère absente à tout jamais ; c'est à l'aînée que revient la difficile tâche d'épauler un père qui croule sous le travail, les dettes et les remarques pesantes de collègues ayant oubliés toute notion de respect. La jeune fille le sait, elle l'a toujours su ; son père n'a jamais cherché à le lui cacher ; c'est pourquoi elle ne dit rien, se contentant de sourire et de devenir le parfait soutien. ((Mais l'ombre parfaite de sa défunte mère plane au-dessus du domicile familiale et l'envie de s'en extirper une bonne fois pour toute se fait ressentir.))

Le climat ambiant n'est pas des plus chaleureux, alors c'est un beau matin, en priant devant l'hôtel de sa mère, que la demoiselle prend la décision de transformer cette demeure qui s'effrite en havre de paix ; elle deviendrait le rayon de soleil qui chasserait leur peine... Téméraire ? Peut-être un peu trop idéaliste ? Effectivement, c'était clairement présomptueux de sa part. Son père ne retrouverait jamais le sourire, il ne redeviendrait jamais comme avant ((la perte d'un être cher ne s'efface pas aussi aisément – le principe de cause à effet peut-être?))

Si l'ambiance à la maison est clairement sous tension, il n'en est rien dès qu'elle met les pieds au collège. Elle ne perd jamais de sa superbe, toujours le sourire ; excentrique au possible ((fatigante pour autrui.)) Les professeurs n'ont jamais eu à se plaindre de ses notes ni de son engouement au sein de l'établissement ; toujours la première à vouloir faire des choses, à participer à toute activité... ((Preuve est faite, peut-être, qu'elle cherche inconsciemment à combler un vide.))

Puis il y eu ce jeune homme, qui fut l'un des changements de sa vie. Un garçon attachant,  loin d'être méchant ; mais avec qui elle se querellait constamment ((juste pour s'accaparer son attention – un amour qui naît de la friction.)) Le garçon manqué qu'elle est n'arrive pas vraiment à comprendre ce que son cœur ressent ; mais il y a bien quelque chose qui l'attire irrémédiablement... Cependant, rien n'est dit, rien n'est accomplis et il disparaît sans un bruit de sa vie ; du jour au lendemain, le voilà qui se volatilise.

Pourquoi ? Tu étais le soleil de cet endroit ; celui qui m'a aidé à tenir bon. Te voir chaque matin me dire bonjour en m'ébouriffant les cheveux que j'avais galéré à coiffer, c'était le plus beau rituel de mes journées ; ce qui me faisait sourire comme une idiote un peu trop niaise... Je ne voulais pas que tu me malmènes ; non, tout ce que je voulais, c'est que tu m'aimes...

La banlieue, c'est là que Cho-Hee à grandit ; qu'elle a connu ses déboires et où elle continue de vivre avec ce qu'il reste de sa famille déchirée; partie comme un nuage de fumée. La jeune femme contemple la cité d'Ys d'un regard inquisiteur et un peu amer ; jugeant la richesse et le contraste radical qu'il existe entre son monde et celui qui règne non loin. Ce n'est pas de la jalousie qui l'anime, ni même de l'envie ; mais elle ne peut réfuter un certains mépris à l'encontre de cette cité qui fait miroiter un rêve éphémère à ceux qui ne pourront jamais y percer. Elle repense à son père, elle pense aux adultes en général ; et sa colère n'est plus que douleur sentimentale.                      


C'est en sortant faire les courses à la sortie du collège que la jeune demoiselle se rendit compte que quelque chose n'allait pas ; qu'il y avait un truc qui ne tournait pas rond. Elle venait de passer les portes automatiques quand la caissière l'interpella pour finalement ne rien dire et disparaître sans rien dire. Autour d'elle, les voitures pressées sont désormais vide, les bruits environnants de la ville ne font plus aucun vacarmes, tout n'est que silence macabre. C'est avec empressement que Cho-Hee est rentrée chez elle, en courant comme une dératé, comme si sa vie en dépendait. Son regard ne pouvait s'empêcher de fureter à droite et à gauche ; mais aucun adulte ne semblait être dans les environs. Elle entendait parfois les voix d'enfants pleurants au loin, mais sa gentillesse naturelle était en proie à un cauchemar irréel ; elle s'inquiétait pour son petit frère et sa petite sœur.

Dans un bruit lourd et tombant pratiquement à la renverse une fois la porte ouverte, Cho-Hee hurle à travers l'appartement ; sa maladresse la fait tomber plusieurs fois sur le plancher glissant, mais peu reluisant. Des sanglots se font entendre, ainsi qu'une voix un peu plus grave qui tente d'être rassurante. Mee-Yon pleure à chaude larme dans les bras de son grand frère Min-Kyung ; avec rapidité, l'aînée enlace les deux enfants ; leur père a disparu, comme ça, sans rien dire, il était là, puis plus rien, il s'est évanoui comme le reste de la ville. Ses mains caresses la tête de son cadet et de la benjamine, murmurant des mots rassurants ((autant pour eux que pour elle.)) « Ne vous inquiétez pas, ça va aller, je suis là. »

Malgré sa stupeur, son incompréhension et ses doutes, Cho-Hee allait devoir redoubler de courage ; car elle était l'unique pilier restant de sa famille...