Souvent, lorsque tu mets les pieds dans l'hôpital, ce n'est pas pour être soignée ou parce que tu t'es blessée, ou quoi que ce soit d'autre.
En fait, tu n'as rien à faire dans cet hôpital, d'un point de vue purement médical. Avec Mamie, tu es juste venue attendre Papa à la sortie de son travail pour qu'il vous emmène directement au restaurant. Parfois, ça arrive qu'il prenne plus de temps que prévu – exactement comme aujourd'hui, en fait. Mamie t'a déjà expliqué des dizaines de fois que le travail de Papa est très prenant et qu'il peut faire quelques heures supplémentaires. Bon, en général, vous n'attendez pas des heures, mais il arrive qu'il vous rejoint devant l'hôpital presque une heure après que vous soyez arrivées. Et, même si tu n'as pas une très grande notion du temps, tu t'ennuies.
Aujourd'hui, Mamie et toi êtes rentrées dans l'hôpital à cause de la pluie dehors. Alors qu'elle parle avec un collègue à Papa, tu observes les alentours que tu connais déjà à moitié. Les murs froids, les sièges qui n'ont pas l'air très confortables, la madame à l'accueil qui te fait un peu peur à cause de son air sévère. Tu lâches la main de Mamie, qui le remarque à peine tant elle est occupée à discuter, et tu t'approches de quelques murs recouverts d'affiches. Des mots assez compliqués, des dessins que tu ne comprends pas vraiment ou bien qui t'effraient un peu. Tu te retournes vers Mamie et, en voyant qu'elle parlait encore, tu décides de passer le temps en faisant un petit tour dans les couloirs.

D'abord un peu effrayée par ses longs couloirs froids, tu te retrouves à être plutôt curieuse et à marcher tout doucement, presque comme si tu avais peur que le sol allait se dérober sous toi. Tu prends les escaliers, tu montes quelques étages en t'arrêtant à chaque fenêtre pour observer les grands immeubles au loin et la pluie qui ne semble pas vouloir se calmer, puis tu reprends ton ascension.
Tu ne sais pas combien d'étage tu as monté alors que tu te décides enfin à t'arrêter et à parcourir un nouveau couloir. Il est bien plus calme que la salle d'attente, en bas, où les grandes personnes semblaient bien agitées. Tu te promènes tranquillement, te ratatinant un peu contre les murs dès qu'une grande personne passait, tu jettes des coups d'œil un peu trop curieux dans les chambres qui ont leur porte ouverte, puis tu t'arrêtes enfin devant une grande fenêtre qui donne sur la Cité.
Tu as du mal à voir le grand pont, au loin, à cause de la pluie. Tu espères apercevoir un bout de ciel bleu, un petit rayon de soleil, mais rien du tout. Un soupir, puis tu refais le chemin en sens arrière.

En jetant de nouveaux coups d'œil pas très discrets dans les chambres, tu es attirée par le bruit d'une télévision, dans l'une d'entre elles. Tu t'y approches doucement, ton regard est attiré par ce grand écran accroché au mur qui diffuse une chaîne pour enfant. Tu restes un instant dans l'entrebâillement de la porte, à regarder le dessin animé, avant de te rendre compte que, si c'est une chaîne pour enfant qui est diffusée, alors c'est qu'il doit y avoir un enfant dans cette chambre !
Enfin quelqu'un de ton âge. Tu en avais marre des grandes personnes qui ont des discussions à n'en plus finir. Tu entres tout doucement dans la chambre, sachant bien au fond de toi que c'est assez malpoli, mais tu n'y penses pas vraiment. Tu vois une petite fille dans le lit et tu lui offres ton plus beau sourire.

« Hé, coucou ! » tu te rapproches d'elle, avec un petit signe de la main. « J'aime beaucoup ce dessin animé là, pas toi ? Il est plutôt marrant, je le regarde souvent avant d'aller à l'école ! Et puis, je commençais à me demander s'il n'y avait que des grandes personnes dans cet hôpital, vraiment… »

(Tu ne le sais pas, Lou, mais un hôpital, ce n'est pas un endroit pour un enfant…
Mais t'es trop jeune pour le comprendre.)