Le Passé
Anémone est la dernière de la fratrie, élevée par une mère débordée hippie et ses soeurs. Elle n'a aucun souvenir de son père, celui-ci ayant quitté la maison alors qu'elle ne puisse faire sa connaissance. Sa vision reste plutôt trouble à son sujet, mais elle refuse d'avoir un avis négatif à propos de lui, préférant croire aux jolies histoires qu'elle s'est elle-même inventée.
Dans son monde, Anémone imagine que c'est un aventurier, ou peut-être un soldat, quelqu'un de bien, parti pour sauver le monde ou quelques choses du genre. Et que ce n'est pas sa naissance qui l'a fait fuir à grandes enjambées loin de la maison.
Anémone n'a pas ou peu d'amies, elle préfère très largement passer des heures avec des animaux ou des plantes qu'avec des humains. Pas par désintérêt mais plutôt par peur pour être tout à fait honnête. Et puis le jardin de leur mère ne fut jamais dépourvu d'insecte ou d'animaux de passage, laissant tout loisir à la petite fille pour trainer pendant des heures dehors à jouer avec un chat errant.
A l'école, elle ne fut jamais spécialement brillante, pas par faute d'intelligence mais plus par déconcentration, et un certain besoin d'être dans la moyenne pour ne pas se faire remarquer plus que de raison. Timide et avec une voix qui porte peu, elle se complaît facilement dans son état de petite fille un peu invisible. Le caractère de sa soeur Army l'ayant précédée, personne ne s'en prenait jamais à elle, même si elle fut probablement une victime idéale.
Mais cela n'empêcha jamais les remarques, ni les messes basses. Elle n'en racontait jamais rien à sa mère ou ses soeurs, sachant que cela les blesseraient d'apprendre qu'on la prenait pour une sotte, ou même une handicapée.
Anémone adore ses soeurs, autant que sa mère, même si elle sait qu'elle leur donne plus de boulot qu'autre chose. Son autonomie laissant clairement à désirer. D'un caractère dépendant et très peureux, elle ne sera jamais du style à s'imposer ou à tenir tête à qui ce soit.
Du coup, durant les querelles avec ses grandes soeurs, elle eut pris l'habitude de courir se cacher sous son lit en se cachant les oreilles ou en s'enfermant dans son armoire. Les larmes venant bien souvent après quelques secondes.
Les voisins la pensaient bien souvent simplette, mais l'appréciaient, la petite prenant plaisir à venir s'occuper de leurs animaux ou de leur fleurs, sous le regard toujours empli d'amour et quelques distraits de sa mère.
Pour être tout à fait honnête, Thémy, la plus agée des trois soeurs, eut bien plus souvent le rôle de mère, que leur mère elle-même, et c'était loin d'échapper ceux qui les croisaient. Anémone se confiant assez facilement à elle, quand leur mère dans quel délire que ce soit, ou au travail.
La Cité d'Ys
Je déteste les déménagements. Et celui-ci fut probablement un des plus terrifiants. Je me souviens avoir pleuré encore et encore alors que nous quittions notre jolie maison ensoleillée, perdant notre agréable jardin et le calme environnant de nos rues.
Il fallut prendre l'avion, vraiment terrifiant et déroutant, comment quelque chose d'aussi gros peut-il voler ? Tout n'avait aucun sens et je préférais de loin avoir les pieds sur la terre ferme.
Je ne détestais pas ce nouvel endroit, enfin pas exactement. Maman disait qu'on y serait bien, qu'on ne manquerait de rien ici, que cela ne serait pas si différent. Pour moi c'était différent.
J'évitais les remarques, et j'évitais de pleurer, pour ne pas rendre Maman triste, mais le jardin me manquait, le soleil me manquait. Je ne sortais presque plus, parce qu'ici, dehors ça me fait peur.
Ca fait peur parce que tout ça c'est nouveau.
Et la nouveauté je trouve ça angoissant.
L'Évènement
Terrifiée.
Il n’y a pas eu d’autre mot que « Terrifiée » durant les premières secondes. Mot encore bien présent aujourd’hui à dire totalement vrai, tu n’étais qu’un petit pétale de rose, une fleur délicate, bienheureuse dans ta petite vie. Mais plus jamais cela ne serait pareil.
Panique.
Petit être écrasée par l’angoisse et la tourmente. Par la peur incommensurable, comme si le monde s’écrasait sur tes frêles épaules, comme si un monstre pressait entre ses pattes ton petit cœur fragile jusqu’à le réduire en cendres. Toi qui a si peur de monde et de ses êtres, le voilà dépeuplé d’une grande partie, mais tu es bien loin de te réjouir.
Tristesse.
Parce que Maman a disparue. Tu as couru partout pour la trouver, implorant tes sœurs pour savoir où elle était, alors qu’elles même semblaient perdues. Parce que personne n’a la réponse à ce qui te tourmente, et qui ne tourmente pas que toi.
Culpabilité.
Tu te demande si c'est ta faute. Si facilement, après Papa, Maman n'en a pas eu marre et que comme lui, elle a préféré disparaître que de supporter un jour de plus ta présence. Si tu as fait quelque chose pour la contrarié, ou peut-être que tu ne l'intéressais plus. Pourtant tu ferais, tout ce qu'il est possible en ce monde pour la ramener.
Perdue.
Perdue, Perdue dans les méandres de tes songes, perdue dans les méandres de tes cauchemars devenus soudain réalité. Perdue. Oui perdue, dans ce qui est désormais ta nouvelle réalité, noyée dans ce qui maintenant ton chagrin, déchirée par ce qui est maintenant ton angoisse, étouffée par les larmes qui ne cesse de couler. Tu te noie. Ton coeur est brisé, amoncellement de morceaux à tes pieds, poussière sous les bottes de ce monde qui t'écrase.
Troublée, Angoissée, Terrifiée.
Tu tends ta main en espérant que quelqu'un finira par l'attraper....